MARZIA VOUS RACONTE L'HISTOIRE DE SA FABRIQUE FAMILIALE :

 « Ma mère a toujours voulu faire ce métier mais sa famille était très pauvre donc à 10 ans, elle a dû commencer à travailler. Elle a demandé à son père si elle pouvait apprendre le métier de couturière. Puis à 14 ans, avec l’argent économisé, elle a pris son premier cours. A 18 ans, elle a connu mon Papa qui faisait tout autre chose. Ils ont créé, à eux deux, une petite entreprise et ils ont acheté la première machine pour tricoter à la main. Ils ont loué une pièce dans la maison de la Maman de Mirella (Mirella est aujourd’hui responsable des approvisionnements). Dans cette pièce, ils travaillaient mais c’était aussi notre propre maison. Mon frère est né au milieu des machines.

album famille fabrique mohair katia sanchez

A sa naissance en 1963, il y avait déjà quelques employés et 4 machines. Dans les années 62, 64, 66, la maille faisait vraiment sa naissance en Italie. Presque toutes les femmes commençaient à avoir une machine à tricoter à la maison pour faire ses propres pulls, et dans cette région, presque toutes les familles avaient une machine à tricoter à la main.

Ma Maman commençait à avoir des clients importants, des clients américains qui avaient un bureau à Trévise à 20 km de l’usine et faisaient faire leurs productions dans des petits ateliers. Tout était tricoté avec la machine à la main.

Tout était remmaillé. La machine à remmailler n’a pas changé depuis cette époque. Elle est restée identique.
La grosse évolution a été sur les machines à tricoter. De la machine à la main, on est passé à des machines mécaniques mais avec des systèmes de programmation très longs. Puis la programmation s’est simplifiée et la variété des points de tricot s’est multipliée. 

travail de la maille en Italie

En réalité, la dualité de notre métier est qu’une partie, le tricotage, a connu une évolution énorme avec beaucoup de développements technologiques, et c’est sur cela que nous faisons des investissements permanents, et l’autre partie, la confection, est restée telle que. Le remmaillage n’a pas changé. Les machines que nous avons à l’usine sont les mêmes aujourd’hui qu’à l’époque !Le remmaillage fabrication pull en italie chez Marzia

Avec la concurrence chinoise, l'Italie a cherché des solutions qui permettent de gagner du temps sur la confection mais qui maintiennent une confection bien faite. Par exemple, on termine le pull avec une chainette réalisée à la machine à tricoter et après on remmaille la bordure du col. Avant on remmaillait les 2, c’était un double remmaillage. L’évolution des machines à tricoter a permis d’enlever beaucoup de temps de confection surtout sur les détails à l’intérieur. Par contre, la confection restante n’a pas changé techniquement. Elle se fait avec les mêmes machines et demande le même savoir-faire qu’à l’époque.

Il y a aussi des finitions faites machine mais ce n’est pas le cas des produits que nous faisons. Il y a des machines qui font des points d’arrêt par exemple mais ce n’est pas de belles finitions.
Il y a donc une partie très technologique et une partie très artisanale qui est restée telle quelle.
Donc pour revenir à l’histoire, ma famille travaille dans le métier depuis 1962. En 1966, quand moi je suis née, mon père et ma mère ont construit cette petite usine. Tous les 10 ans ils ont augmenté la surface. L’usine a été construite en 3-4 fois.

On avait souvent des gens de l’étranger, notamment des chinois, qui venaient voir notre usine. Les sociétés qui vendent les machines nous demandaient de montrer comment on utilisait la technologie. On avait de très bons programmateurs et on était une bonne usine de référence.
On faisait par exemple beaucoup de mailles Jacquard.
On avait des machines Stoll, maintenant on a plutôt des Shima. On est considéré comme une usine fantaisie.

En 2006, la première ouvrière de l’usine est partie à la retraite. Elle avait travaillé ici depuis 1962 !Anna Maria et sa soeur au commencement de la fabrique dans les 60s en Italie
Mirella travaille ici depuis ses 18 ans soit depuis 37 ans. Graziella, sa sœur, depuis 42 ans. Notre famille est composée par nous 5 mais aussi Mirella, Graziella et son frère qui est programmateur. Pour nous c’est comme si c’était notre famille.
la famille de Marzia dans la fabrique en Italie
Aujourd’hui nous sommes 25 dans l’usine. C’est encore très familial. Beaucoup de personnes ont travaillé toute leur vie professionnelle ici depuis 40, 35, 30 ans. Nous avons quelques jeunes même si c’est très difficile de trouver des jeunes qui veulent faire ce métier et c’est un gros problème, mais on veut maintenir ces relations familiales.
fabrique maille Italie katia sanchez
Il y avait en effet une époque où ma famille avait plus de 100 ouvriers mais c’était très différent et beaucoup plus difficile. À cette époque, nous avions 3 marques, 3 collections en propre et c’était très compliqué de vendre à travers les boutiques, se faire payer et tout ça…
fabrique mohair 80s katia sanchez

En 1992, mes parents ont arrêté la société qui s’appelait Sapom (Saccon - Antonio - Peruzzetto - Anna Maria).

Mes frères et moi avons décidé de continuer et avons créé une société plus petite : M3 (Marzia Michele et Marco). Nous avons décidé de ne travailler qu’avec des marques clientes et avons stoppé les collections en propre. Nous avons commencé chacun avec ses propres compétences.

Moi, je me suis toujours occupé des clients et du développement produit. Mon frère Michele se charge de l’administratif. Mon frère Marco s’occupe du tricotage et ma sœur Reginetta s’occupe de l’organisation de la production.

Maman est toujours là. Parce que sa vie est dans l’usine. Elle nous aide avec les finitions à la main, les défauts à réparer, les patronages. Et son expérience est toujours mille fois plus grande que la nôtre. Chaque jour je me dis « pourquoi je ne sais pas encore ça ! ».

Par exemple, quand je fais des modifications sur les modèles, j’ai encore des doutes et je sais qu’elle sait mieux que moi. Ma mère a travaillé avec la machine à la main donc elle a tout appris de zéro parce que c’était son métier. Nous on a fait des études mais on n’a pas passé toutes les phases comme elle l’a fait.

finitions à la main dans la fabrique de maille en Italie

Katia : C’est pour cela que vous avez trouvé une machine à la main pour votre fille afin qu’elle commence ainsi ?

Marzia : Oui, parce qu'Alice veut faire son sujet de diplôme sur nos archives de points mais elle a compris que si elle ne connaissait pas la technique de la maille en profondeur, elle ne saurait pas construire une archive bien faite et trier les swatches. Par exemple, j’ai beaucoup d’archives de jacquard mais pour savoir les classer, il faut connaitre comment c’est fait.

K : Pour la suite ? Vous travaillez avec des clients historiques…

M : On a un client Belge, NXXXXX , depuis 1988 ! Un autre depuis 1992. Quelques clients plus récents comme FXXXX en Italie. Après, vous êtes arrivée en 2019. Ce que j’aime c’est que tous nos clients ont des produits très différents. Chaque client a son style, ses couleurs, ses fils. C’est bien parce que tout est très différencié et que ma tête doit rentrer dans des mondes différents.

Par exemple, quand vous êtes arrivée, c’était le moment juste car on commençait à parler de « sustainability », de nouvelle manière de vivre et de travailler mais peut être que si nous ne vous avions pas rencontré, on aurait écouté sans chercher à changer. Le fait de vous connaitre, nous a fait rentrer dans ce monde du travail plus conscient, plus responsable et nous a fait penser différemment. Aujourd’hui, par exemple, on est en train de commencer une étude de notre société pour voir ce qu’on peut améliorer et ce qui est déjà bien fait. Ça commence par moi, mes frères et sœurs, pour d’ici à 2-3 mois commencer à en parler avec nos collaborateurs parce qu’on veut prendre ce chemin et faire évoluer la société.

C’était vraiment une rencontre positive et ça nous a fait beaucoup de bien donc j’espère que ça pourra continuer longtemps. Si on ne s’était pas rencontrées, on n’aurait peut-être pas pris ce tournant à ce moment-là et aujourd’hui, c’est important le fait d’avoir commencé tôt. On se rend compte aussi que nous faisons déjà beaucoup de choses bien parce que c’était encré dans le style de vie et de travailler et de notre famille : Ne pas gaspiller.

K : C’est bien de se sentir en évolution ?

M : Surtout d’avoir des stimulations. Même pendant cette année ½ très difficile, nous avons toujours eu la force d’avancer et regarder l’avenir pour nous, pour nos ouvrières, pour les petites usines qui travaillent pour nous. Nous avons pas mal de petites sociétés qui font par exemple la confection à l’extérieur et qui sont toutes dans la région. Ce sont des petites entreprises familiales, 2-3 personnes de la même famille qui ont besoin de travailler.

On a fait en sorte pendant cette année ½ de donner un peu de travail à tout le monde même si c’était un petit peu. Pas beaucoup mais le minimum pour survivre à la crise. Ça nous donne de la force. C’est une des raisons pour lesquelles on veut rester de petite taille parce que ce sont des relations, il faut pouvoir écouter et parler comme je fais avec vous ou les autres clients.

Oui, on ne gagne pas beaucoup mais c’est la qualité de vie que nous avons dans l’usine. Nous sommes dans l’usine 12h par jour. Nous, de la famille, nous travaillons même le samedi matin donc c’est beaucoup de temps et si on n’a pas de bonnes relations, ça va devenir impossible. C’est aussi pour cela que nous voulons rester petit.”

Marzia – Septembre 2021

 

DU NOUVEAU DEPUIS SEPTEMBRE 2021...

🎂 La fabrique a fêté ses 60 ans en septembre 2022 !

Anniversaire 60 ans de la fabrique de mohair

Marzia : "Il y a 2 semaines nous avons fêté 60 ans d’activité et nous avons fait un évènement ici à l’usine pour remercier tous nos collaborateurs internes, externes et tous les personnes qui, en ces 60 ans, ont, en quelque manière que ce soit,  contribué à notre chemin … je vais vous envoyer quelques photos … ça a été une soirée spéciale, avec beaucoup de souvenirs mais aussi de la réflexion et des espoirs pour le futur …

Nous avons réalisé, pour l’occasion, une petite exposition photographique sur notre histoire et notre chemin étique et aussi un petit défilé avec les pièces d’archive en partant des années 70 à aujourd’hui. Dans une des photos ici annexe vous verrez la fin du même défilé .. j’espère que ça vous fera plaisir !"

 

🇮🇪 Des prix plus élevés dans le Venetto ! (octobre 2022)

Carte Italie Venise

Marzia : "En effet, très souvent notre région est considérée "chère" pour la production de la maille mais il est vrai aussi, qu'à la différence des autres régions comme la région de Prato ou Carpi, le Veneto a toujours travaillé sur les produits plus haut de gamme voire luxe et a toujours suivi scrupuleusement les réglementations fiscales et sociales. C’est pour cette raison que beaucoup de griffes haut de gamme, sont produites ici dans notre région car on a une histoire vraie dans les productions plus raffinées, qualitatives et qui demandent de la recherche. Donc, nos collaborateurs et nos façonniers sont mieux payés ici en Veneto qu'ailleurs mais ils sont notre capital humain sans lequel on ne pourrait pas faire notre métier mais, par conséquence, certains produits résultent plus chers ici qu'ailleurs."

 

 ☎️ Des coûts de revient qui augmentent inexorablement. (mars 2023)

Pull Rainbow fabriqué en Italie

Marzia : Depuis le Covid, nous avons subi les augmentations des matières premières et de l'électricité mais nous avons aussi subi une augmentation sur les salaires. En effet, beaucoup de marques haut de gamme ou secondes lignes des marques de luxe ont rapatrié leurs productions dans notre région, connue pour le haut de gamme. Ces griffes sont prêtes à payer n’importe quel prix pour avoir leurs produits ; Les ateliers augmentent leurs prix, les salariés demandent des augmentations de salaires, mais nous, par contre, nous devons faire très très attention et nous sommes à 50 centimes prêt.

Dans notre segment le rapport qualité/prix est très serré donc on doit offrir un produit top, avec des fils très performants, les plus durables possible, avec de la haute qualité mais avec un prix le plus contenu possible …. Pas facile du tout.

Parfois j’ai l’impression que ce système va nous écraser mais nous ne savons pas travailler moins bien pour aller plus vite, nous ne savons pas être plus « rusés » pour gagner plus, nous savons simplement travailler le plus sérieusement possible, avec le maximum de notre expérience car ce travail c’est notre vie depuis toujours. 

🌍 Un parcours engagé vers encore plus de responsablilité environnementale. 

Histoire d une usine de maille en Italie

Marzia (avril 2023) : "Nous venons ( juste ce matin ) de terminer le deuxième parcours dans la durabilité.
Ce n’est pas facile car ça demande du temps et du travail en plus mais nous sommes très contents de l’avoir commencé et de le continuer.
Nous avons fixé des objectives assez ambitieux pour l’année 2023/24 et nous espérons vraiment pouvoir les mettre en œuvre.
Je ne vous l’avais pas dit mais la semaine passée j’étais invitée à parler de notre expérience dans un lycée et ça été une très belle expérience car ce sont de petits gestes que nous sommes en train de faire, pour travailler dans la durabilité mais aussi pour diffuser cette conscience, dans et à l’extérieur de notre petite usine.
Donc encore merci pour nous avoir choisi comme Partner pour votre marque écoresponsable ; sachez que je vous nomme souvent comme « première responsable » de notre propre choix dans l’écoresponsabilité !

K : Vous pouvez nous en dire plus sur vos objectifs à court terme ? 

Marzia (mai 2023) : Je vais essayer de vous expliquer ce que nous avons fait jusqu’à présent et nos objectifs à court terme.
Nous avons, pendant les 2 derniers années, étudié assez à fond la durabilité et ses différents aspects, que ce soit en général pour acquérir et approfondir nos connaissances ou en lien direct avec notre situation à la fabrique.  Nous sommes arrivés à rédiger notre propre rapport de développement durable qui pourra bientôt être fourni sur demande.
Entretemps nous avons commencé à faire des actions qui nous permettent d’améliorer notre niveau de "sustainability", conscients du fait que, en tant que petite entreprise, nous devons procéder par petites étapes.
Nos focus actuels, et principaux, sont la durabilité sociale, l’efficacité énergétique et l’attention vers l’utilisation des matières premières le plus possible éco-responsables. Nous sommes notamment en train d’augmenter notre consommation d’électricité issue de sources renouvelables et en même temps nous sommes en train d’étudier la possibilité d'investir dans des panneaux photovoltaïques. Nous poussons aussi tous nos collaborateurs à l’économie des différentes ressources énergétiques et à une différenciation des déchets de traitement de manière afin que les fibres naturelles puissent être totalement recyclées.


 Merci d'être arrivé jusqu'ici ! Je suis ravie que vous en sachiez plus sur la fabrique de Marzia.